2008/06/25

Article de Fabien Deglise "Dix grandes vérités qui dérangent"

Cette article a été publié dans Le Devoir du 10 mai 2008 et provient de la plume de Fabien Deglise.
Je l'ai trouvé génial dans le propos et dans le ton. Je le recopie ici pour votre réflexion. En fait, le but est de se poser des questions et de ne pas accepter nécessairement ce que les publicitaires veulent nous faire croire.

Dix grandes vérités qui dérangent

La mémoire est une faculté qui oublie, c'est bien connu. Et le monde du commerce et de la consommation s'en accommode très bien depuis des décennies.

Normal. Devant des révélations inquiétantes, des faits étranges ou des inepties prouvant qu'on prend parfois le consommateur pour une valise, l'homo consumusa en effet la fâcheuse habitude d'afficher une indignation passagère... et d'oublier très vite pourquoi il était en colère.

C'est donc dans ce contexte d'amnésie collective que Le Devoir a décidé cette semaine de dresser le top-10 des grandes vérités de la consommation qui, malheureusement,sont tombées dans les oubliettes au cours des dernières années, histoire non seulement de faire honneur à notre devise nationale mais aussi de rappeleraux marchands de rêve qu'il peut être hasardeux de compter sur ces trous de mémoire pour continuer à leurrer la clientèle.

1- Dasani et Aquafina, c'est de l'eau du robinet en bouteille.

Les multinationales Coca-Cola et Pepsi qui sont derrière ces deux marques d'eau embouteillée n'aiment pas trop qu'on en parle. Pourtant, même si ces produitsse trouvent au rayon des eaux minérales, ils ne contiennent que de l'eau du robinet, filtrée et ozonée pour être débarrassée de toute forme de vie, certes,mais de l'eau du robinet tout de même. L'eau Dasani est puisée dans les aqueducs de Brampton, en Ontario, alors qu'Aquafina provient du réseau public dePhiladelphie, aux États-Unis. À 3 $ le litre dans une ville comme Montréal où l'eau du robinet, gratuite, n'est «pas pire pantoute», il est donc permisd'en rire un peu.

2- Le fromage P'tit Québec n'a de québécois que le nom.

Malgré son nom, le fromage P'tit Québec n'a pas grand-chose de québécois. Ce produit a été créé en 1960 par la multinationale américaine de la bouffe PhilipMorris - oui, celle qui faisait aussi des cigarettes - qui, à l'époque, avait décidé de mettre sur le marché des cheddars industriels à saveur régionale,pour des raisons de pur marketing. Où ce fromage est-il fabriqué? Le Devoir a posé la question à la compagnie Kraft ces dernières semaines. La réponsese fait toujours attendre. Ce silence laisse toutefois présager que le fromage «bien de chez nous», comme le croient plusieurs consommateurs, pourraitprovenir d'une usine de l'empire Kraft en Ontario ou aux États-Unis. Amusant.

3- «Sans gras» ne signifie pas forcément que c'est bon pour la santé.

Alors que les gens se préoccupent de leur consommation de gras, l'industrie de la malbouffe multiplie les offres de produits s'affichant sans matières grasses,comme les yogourts. Mais un yogourt à 0 % n'est pas forcément meilleur qu'un autre pour la santé puisqu'il contient bien souvent plus de sucre et mêmeplus de protéines en raison de l'ajout de gélatine de porc pour donner de la texture à une préparation qui, faute de gras, n'en a plus. Dans la même veine,des croustilles «sans gras trans» ne changent rien à la nature du produit: cela demeure un sac de croustilles dont la surconsommation n'est pas recommandable.

4- Plusieurs certifications ne signifient rien du tout.

La certification la plus insignifiante est sans doute celle qu'on a baptisée «Bien choisir, bien vivre». Qui se cache derrière cela? La multinationale PepsiCoqui, avec ce programme de certification articulé autour d'un logo vert, veut guider les consommateurs vers ses produits en les présentant comme étant sains.Les croustilles Lay's cuites au four (riches en sel) et les barres Chewy aux brisures de chocolat (riches en sel et en sucre) sont du nombre, ce qui donneune idée de la haute crédibilité de ce programme de certification contrôlé à 100 % par le géant de la bouffe transformée.

5- Il n'y a pas toujours de crème dans la crème glacée.

L'appellation de cet incontournable estival est trompeuse. De nos jours, la crème glacée ne contient pas toujours de crème. Il suffit de lire la liste desingrédients pour s'en convaincre. Plusieurs produits sur le marché sont composés en grande partie de substances laitières modifiées auxquelles l'industrieajoute des gommes de caroube ou de l'agar-agar, deux agents texturants qui permettent à la fausse crème glacée de se tenir. Et pourquoi? Parce que la crèmecoûte bien plus cher que des substances laitières - des composantes du lait - et que, pour accroître les profits, eh bien, il faut couper quelque part.

6- Le sel se cache dans le sucre.

Les Canadiens consomment trop de sel. Et on ne peut pas leur en vouloir. C'est que des milliers de produits industriels sucrés vendus aujourd'hui cachentdans leurs composantes de grandes quantités de... sel. En vrac, il est possible de montrer du doigt les barres de céréales, les céréales à petit-déjeuner,les gaufres et les crêpes congelées ou encore les biscuits couverts de chocolat qui, tous ou presque, exposent les consommateurs a des doses élevées desodium. La raison? Le sel permet de conserver les produits plus longtemps et donne aussi du goût à des choses qui n'en ont pas. Un avantage pour l'industrie,mais pas pour les consommateurs.

7- Made in Canada... Vraiment?

En quête de produits d'ici, le consommateur a envie de croire à cette appellation. Or ceux qui s'affichent comme produits canadiens ne le sont pas forcément.En effet, pour qu'un bien de consommation puisse adopter cette formule, on doit démontrer que 51 % du coût total de sa production est dans les mains d'intérêtséconomiques canadiens. Sans plus. Conséquence: des cornichons indiens peuvent devenir canadiens en étant mis en bocal à Saint-Tite tandis qu'un jouet dontla majorité des pièces proviennent de Chine peut porter l'unifolié en étant simplement assemblé à Laval ou, pire, juste mis dans un carton à Blainville.En plus, comme le gouvernement fédéral ne contrôle pas vraiment la légitimité de ce made in Canada...

8- Le lobby du lait ne veut pas forcément notre bien.

Les nombreuses campagnes qui incitent à consommer plus de lait ne sont pas des campagnes de santé publique. Derrière ces publicités accrocheuses, on retrouveen effet les Producteurs laitiers du Canada, dont la seule et unique fonction est de défendre les intérêts économiques des 14 600 éleveurs de vaches aupays en faisant augmenter la consommation de lait, que ce soit bon ou pas pour la santé. D'ailleurs, ces pubs sont financées par l'entremise d'une «taxe»perçue sur chaque litre de lait vendu. Et forcément, au final, c'est le consommateur qui paie pour voir des vedettes exposer leur complicité avec un parentou un ami devant un verre de lait.

9- Le poulet aux hormones, un mythe?

Le poulet vendu au Canada ne contient pas d'hormones. Le consommateur, sans doute influencé par la chanson La Montagne de Jean Ferrat, aime pourtant lecroire. Or, depuis 1962, l'usage du diéthylstilbestrol - l'hormone à l'origine de ce mythe - n'est plus autorisé dans les élevages au pays. Et il n'a pasété remplacé non plus. Sans hormones, donc, le poulet industriel est cependant toujours exposé à des antibiotiques. Mais ça, c'est une autre histoire.

10- La tomate génétiquement modifiée n'existe pas.

Elle est belle, parfaite et pleine de couleur. Mais elle n'est pas un organisme génétiquement modifié (OGM). Quoi qu'en pensent les consommateurs, il n'ya pas de tomates transgéniques sur le marché au Canada aujourd'hui. Comme ailleurs dans le monde. Les OGM commercialisés sont à ce jour le maïs pour animaux,le soya, le canola, la courge et la papaye. Rien de plus. Pourquoi cette croyance? Parce qu'au début des années 90, les Anglais ont effectivement mis surle marché une tomate génétiquement modifiée. Mais elle a très vite disparu... non pas parce qu'elle avait été modifiée mais parce qu'elle n'était pas bonneau goût. Pour le moment, aucune autre tentative de commercialisation d'une tomate GM n'a été tentée dans le monde.

Aucun commentaire: